dimanche, juin 07, 2015

غراب النحس



القصبة 2 كانت تحالفا بين أقصى اليمين واليسار الراديكالي و الثورجيين بمختلف انواعهم من أجل إضعاف الحكم وتفكيكه. كنت شخصيا ضد هذا التمشي لما يحذوه من مخاطر على مكتسبات التونسيون وخاصة التونسيات. مع هذا، يبقى هذا المسار على هامش المقبول في تلك الظروف الثورية لكوننا كنا نعيش في ضل نظام وليس في ضل دولة. والنظام لا يزول بزوال من كان بمحوره خاصة إذا جاء للحكم من لا يؤمن بالدولة ويريد للنظام أن يتجدد و أن يتمحور من حوله. إنخرط التونسيون في هذا المسار و قدموا تضحيات جسام لتجاوز المرحلة والمضي قدماً نحو تحقيق أهداف شعب كامل ونجح في ذلك. فلولا تجند المواطنون والأحزاب والمجتمع المدني، لتحولت الاغتيالات إلى مشانق والتهديدات للحقوق والحريات إلى نصوص قانونية والديمقراطية الناشئة الى دكتاتورية ثيوقراطية.

نفس هذا التحالف يعود لنا اليوم كغراب النحس و تقريبا بنفس الأساليب وبنفس الأهداف ولكن في ضرف مختلف تماما و دوافع مختلفة تماما. فالتونسييون يؤسسون لدولة في ضل تهديدات أمنية كبرى وفي وضع إقتصادي صعب وإجتماعي هش.أما دوافعهم فهي لا تتعدى مصالح أشخاصهم أو إيديولوجياتهم و يضربون من أجلها عرض الحائط بتضحيات وصبر شعب كامل على مدى أربعة سنوات صعبة علينا جميعا. إن إجهاض هذا المسار و في هذه الظروف هو جرم في حق شعبنا و سيدخلنا فتنة كبرى قد تفضي حتى لإختفاء تونس النهائي من الخارطة بعد 3000 سنة من الوجود. فكم من الأمم والإمبراطوريات اختفت بسبب جشع البعض وبأنعدام البصيرة لدى البعض الآخر. 

اليوم يقف التونسيون على مرمى حجر من تحقيق اهدافهم بالعيش الكريم في دولة تحكم بالعدل ووفق ارادته. و ما رأيناه من شعبنا في السنوات القليلة الماضية يثبت أننا قادرون على إحباط مكائد الكائدين والتوحد ضد المتآمرين والعمل والمثابرة من أجل الخروج من هذه المرحلة الدقيقة مظفرين وغانمين لدولتنا ولحريتنا ولكرامتنا.

في كل مسار، الخطوات الأخيرة هي الأصعب و الخلاص رهن ارادتنا.

vendredi, juillet 05, 2013

Lettre ouverte aux leaders politiques de la famille démocratique


"Parut en premier sur huffingtonpost maghreb le 05/07/2013  http://www.huffpostmaghreb.com/walid-sfar/lettre-ouvert-aux-leaders_b_3551344.html "


Mesdames, Messieurs,

Vous avez échoué sur tous les plans lamentablement et collectivement. Outre les erreurs à répétition commises depuis le 14 Janvier, tous les sondages d'opinions relèvent un constat affligeant: 50% des Tunisiens ne savent pas à qui confier leurs voix. Les autres 50% sont formés majoritairement par ceux qui ont peur pour une raison ou une autre et par les partisans du vote utile ou de la logique du moins pire.


Sans projets et sans causes


A aucun moment vous n'avez remis en question votre démarche, alors qu'il est évident qu'elle manquait cruellement, entre autre, d'écoute et d'empathie. Vous avez pensé, parfois par naïveté mais surtout par égocentrisme, qu'il suffisait de brailler le plus fort ce que vous preniez pour vérité pour qu'on s'identifie à vous et à vos idées. Même si parfois bonnes, la course au leadership communément désignée par "l'amour des chaises" n'a laissé aucune possibilité pour faire entendre ces idées et valeurs.

Vous vous êtes pris à un jeu de rôle de très mauvais goût où on feint l'union dans les discours pendant qu'on fait cavalier seul pour se distinguer dans les acte; où on conjugue les simulacres d'engueulades devant les caméras et la complaisance complice dans les coulisses. Vous avez résumé votre combat politique à des "rounds" de négociations, ce qui n'est pas condamnable en tant que tel, mais dont les motivations ne sont que l'éternelle recherche de positionnement, ainsi que cette obsession d'exister. Une obsession qui vous fait passer des deals au dépend de vos valeurs initiales. Parmi le tumulte de la vie politique, vous avez oublié que vous n'existerez que par les causes que vous défendez et les projets que vous portez. Il est donc tout à fait normal que la moitié des tunisiens ne s'identifie à aucune des diverses formations politiques, puisque vous n'en portez, dans les faits, aucun.

Vous, qui êtes épris de vos petites personnes et qui vouliez exister coûte que coûte quitte à vendre vos âmes, vous vous trouverez à la marge de l'histoire très rapidement, dans meilleur des cas dès que nous dépasserons le cap de la transition, ou le jour où nos concitoyens comprendront qu'ils méritent une meilleure classe politique que celle que vous formez.

Le chemin que vous avez choisi, comme d'ailleurs la plupart de vos choix depuis le 14 Janvier, est sans issue. Vous, qui restez prisonniers de vos complexes vis-à-vis de l'héritage de notre histoire moderne, aujourd'hui il devient impératif de vous désavouer.


Pour la modernité


Par cette lettre j'appelle toutes les forces vives de ce pays et surtout celles dans les partis politiques à s'engager activement pour:

  • Désavouer notre leadership politique actuel et l'obliger à reconnaître et assumer ses erreurs;
  • Revenir aux fondements de notre engagement et se réconcilier avec nos valeurs aujourd'hui en péril;
  • Refuser dans son intégralité le projet de constitution actuel et faire valoir notre droit à une constitution républicaine, jeune, moderne et progressiste;
  • Œuvrer pour une société élevée, libre et apaisée;
  • Refonder notre modèle économique en un modèle durable et solidaire;

Nous représentons la meilleure chance pour la Tunisie pour accéder définitivement et irrévocablement à la modernité. Il suffit de le vouloir.

Walid SFAR



vendredi, mars 08, 2013

Super-BenJaafar l’Entremetteuse de la Révolution




Mustapha Ben Jaafar, la figure de proue du feu « Ettakatol » a bien joué des tours aux démocrates auxquels il se dit appartenir. Il a donné une légitimité sur la scène politique à un parti intégriste, sanguinaire et fasciste. Il a fermé l’œil, lui président de l’autorité suprême en Tunisie après les élections, sur les violations du système républicain et civil dont il dit à tous ceux qui veulent l’entendre qu’il en est le garant. Aujourd’hui, malgré les démissions, la disparition de son parti et l’érosion de sa crédibilité il réitère. Alors que les occidentaux remettent en question leurs stratégies dans la région vu les nouveaux enjeux géopolitiques et l’incapacité des islamistes à ramener une stabilité, même apparente, dans la région, Super-BenJaafar a pris l’avion (sur le dos du contribuable bien sûr) pour donner  des « assurances » au président français quand à l’alignement du nouveau gouvernement à leurs intérêts. 


« M. Hollande a également pris note des assurances que M. Ben Jaafar lui a données concernant le calendrier politique de la transition démocratique, dont les deux étapes essentielles sont l'adoption dans les meilleurs délais de la nouvelle Constitution et la tenue des élections. » Présidence de la république Française

Déjà le fait de le recevoir et de l’honorer via l’international socialiste, cette autre invention inutile de la gauche caviar française, au vu de ce qui se passe en Tunisie et ils le savent très bien, montre que « la transition démocratique » est le dernier de leurs soucis.

Bien sur, il nous dira que « Ettakatol tient et continuera de tenir ferme sur les principes et les conditions essentielles et nécessaires pour l'entrée dans ce gouvernement... Il continuera de négocier et de se battre jusqu'a la dernière minute... Il ne baissera pas la garde et ne fléchira pas sous la pression du temps... Il ira jusqu'au bout pour donner la chance a un gouvernement qui réponde au mieux aux attentes du pays, de tous les Tunisiens et les Tunisiennes... » - Statut facebook d’un des derniers Takatol (oui le ridicule ne tue pas). 

Bien sûr, fidèle à sa réputation, Super-Benjaafar voudra récupérer politiquement comme il a essayé de faire pendant la crise de l’UGTT décembre dernier. Super-Benjaafar sortira nous dire que nous avons obtenu la neutralisation des ministères régaliens qui ne seront neutres que d’apparence. Il nous dira que nous avons obtenu la dissolution des LPR qui passeront à la clandestinité et seront donc plus dangereuses sans même avoir été jugées pour les violences qu’elles ont perpétrées. En bonus cette fois, l’armée sera "madhmouna" (garantie). Ensuite, il ne tarira pas d’éloges sur sa sagesse qui l’a poussé à rentrer dans cette catas-troika et que Super-Benjaafar devrait être reconnu comme le sauveur de la révolution.

Non super-Benjaafar, vous n’êtes que l’entremetteuse de la révolution et vous vendez à très bas prix vos services car la valeur du futur de toute une nation, voir d’une région entière dépasse largement les quelques milliers de dinars de salaire que vous recevez pour vos bons et loyaux services.



lundi, février 18, 2013

Abbou pour présider le parti des LPR ?


Des informations et des indices, dont ses propres déclarations, prédisent que le secrétaire général du parti congrès pour la république démissionnaire sera le président du parti où déverserons les ligues de protections de la révolution.

En effet, quelque soit l’issue des négociations pour le remaniement ministériel, la décision est presque définitive. Ces LPR qui ont tant fait couler sang et encre seront dissoutes et c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles Abbou a précipité son plan.

Des sources proches de Maalej, le SG actuel des LPR, indiquent qu’ils comptent se transformer en parti politique. Forts du financement important reçu ces derniers mois et du réseau qu’ils se sont construits, il ne leur manquait qu'une figure politique de premier plan pour lancer leur projet. Confirmant sa réputation d’opportuniste de premier plan, Abbou ne laissera pas passer cette aubaine surtout que tous les observateurs avaient remarqué le rapprochement entre les LPR et le CPR ces derniers temps au point d’organiser des meetings communs dont le dernier en date à Sidi Bousaid. Par ailleurs, beaucoup de rumeurs et des soupçons d’une affaire d’emplois fictifs ont entouré les recrutements des travailleurs de chantiers et qui concernent beaucoup des effectifs des LPR sur tout le territoire. Ces recrutements ont été couverts et encadrés, selon ces rumeurs et sans aucune surprise, par le ministre CPR de l’emploi Maater. Tout ceci indique donc que le plan de Abbou était pensé et réfléchi depuis plusieurs mois.

Il est utile de remarquer qu’un homme de droit comme lui sait qu’une association dissoute doit et sans délais déposer les fonds dont elle dispose au trésor public. Mais je suis presque certain qu’eux aussi perdront le registre comptable comme l’a annoncé le CPR quand la cours des comptes l’a demandé.

Chapeau bas quand même au CPR qui au départ était un non-parti regroupant des personnages hétéroclites et que certains ont même qualifié de « Centre Psychiatrique de Razi » et qui donnera par la suite naissance à trois autres partis aussi bizarres les uns les autres : Wafa  de Ayadi, Iklaa de Hmila et celui de Abbou.

dimanche, février 10, 2013

Qui est le vrai bénéficiaire de l'assassinat de Chokri Belaid?


Je pense que ce qui se passe est le meilleur scénario qui puisse exister pour qu'ennahdha retrouve sa position de Leader sur la scène politique et se débarrasser en un coup de tous ses handicaps.

En isolant Ghannouchi et les autres radicaux d'Ennahdha, au moins médiatiquement, son image de parti sanguinaire et fascist, pour qui les intérêts du Qatar et de l'international Islamiste passent avant ceux de la nation est remplacé par un parti politique modéré et patriote. Elle récupère aussi l'appui des grandes forces internationales qu'elle a perdu depuis l'affaire de l'ambassade et nous voyons pour la première fois depuis des mois la valse des ambassadeurs au bureau de Jbali.

En plus, si son coup réussit et je pense qu'il va réussir, ce dernier se retrouvera les coudées franches sans opposition pendant toute la période qui nous sépare des élections. Ennahdha se débarrasse également d'un autre handicap, ses associés le CPR et le TAK qui ont fait office de fusibles pour elle.

Ghannouchi disait dans la video avec les salafistes que "l'armée n'est pas garantie" aujourd'hui elle l'est et elle appuie ouvertement Jbali. En l'espace de quelques jours, Jbali Tafjirat (attentats) est devenu Jbali le sauveur de la nation et combien ceci sera précieux au moment des élections.

La question que je me pose aujourd'hui, est ce que le clan Jbali est digne de confiance connaissant le passé sanguinaire de se dernier? Quelles sont les véritables intentions de Jbali? Est-ce que son initiative est réellement patriote ou c'est un changement de stratégie pour poursuivre l'islamisation du Pays? En tout cas le risque est grand et nous, comme si nous regardions un spectacle d’un illusionniste, nous regardons la main qu’on nous veut qu’on regarde et on oublie la deuxième qui fait le tour de passe-passe. 

Nous sommes tellement contents de la défaite apparente de Ghannouchi et nous oublions qui sont les frères musulmans et les règles qui régissent leur « secte ». Car, est conformément à ces règles, si Jbali a réellement fait un putsch, il serait déjà au moins mort d’une sakta 9albia (Arrêt Cardiaque) à l’heure qu’il est.

Je pense que le plan du Hold'up de Jbali à été longuement mûri et la parution du dernier sondage mettant Ennahdha en deuxième position à accéléré sa réalisation. Aujourd'hui, Ennahdha leadé par ce clan, se retrouve sur une autoroute la menant directement à la victoire lors des prochaines élections.

Ce qui est sur, c'est que s'il y a un seul bénéficiaire de la mort de Chokri Belaid c'est bien Ennahdha!




samedi, novembre 17, 2012

Film poignant de Zran: "Dégage"



J'invite toute la classe politique à voir et à revoir le film "Dégage" de Zran projeté hier à l'ouverture des JCC. Bien que plus ou moins partisan, mais c'est une occasion de remise en question surtout pour tous les démocrates de tous les bords. 
Comparez ce film avec n'importe quel plateau politique dont grouille la programmation des télés Tunisiennes et vous constaterez combien notre élite politique, à quelques exceptions près, est vielle et sclérosée (pas en terme d'age mais surtout en terme de discours) et combien cette élite est en rupture avec les attentes motrices de la révolution et avec sa jeunesse. 
Une remise en question obligatoire à mon avis avant que ce ne soit trop tard. Sinon, nous nous dirigerons inéluctablement vers un second 23 octobre.
Enfin, je me permet de lancer un appel à tous les jeunes de ce pays: Ne comptez pas sur les mains tremblantes pour construire votre rêve! Cette révolution est votre, reprenez son leadership!

Walid SFAR

mardi, septembre 04, 2012

Après le printemps arabe, l'hiver Islamiste...

Invité de l’Association Régionale Nice Côte d’Azur de l’IHEDN (Institut des hautes études de défense nationale) le 27 juin 2012, Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE, reconnu bien au delà de l’Hexagone pour son expertise du monde arabo-musulman, livre ici une vision intéressante et décapante.
Les pires conjectures formulées au premier semestre 2011 concernant les mouvements de révolte arabes deviennent aujourd’hui réalité. Je les avais largement exposées dans divers ouvrages et revues à contre courant d’une opinion occidentale généralement enthousiaste et surtout naïve. Car il fallait tout de même être naïf pour croire que, dans des pays soumis depuis un demi-siècle à des dictatures qui avaient éliminé toute forme d’opposition libérale et pluraliste, la démocratie et la liberté allaient jaillir comme le génie de la lampe par la seule vertu d’un Internet auquel n’a accès qu’une infime minorité de privilégiés de ces sociétés.

Une fois passé le bouillonnement libertaire et l’agitation des adeptes de Facebook, il a bien fallu se rendre à l’évidence. Le pouvoir est tombé dans les mains des seules forces politiques structurées qui avaient survécu aux dictatures nationalistes parce que soutenues financièrement par les pétromonarchies théocratiques dont elles partagent les valeurs et politiquement par les Occidentaux parce qu’elles constituaient un bouclier contre l’influence du bloc de l’Est : les forces religieuses fondamentalistes. Et le « printemps arabe » n’a mis que six mois à se transformer en « hiver islamiste ».

En Tunisie et en Égypte, les partis islamistes, Frères musulmans et extrémistes salafistes se partagent de confortables majorités dans les Parlements issus des révoltes populaires. Ils cogèrent la situation avec les commandements militaires dont ils sont bien contraints de respecter le rôle d’acteurs économiques dominants mais s’éloignent insidieusement des revendications populaires qui les ont amenés au pouvoir. Constants dans leur pratique du double langage, ils font exactement le contraire de ce qu’ils proclament. En, Égypte, après avoir affirmé sur la Place Tahrir au printemps 2011 qu’ils n’aspiraient nullement au pouvoir, ils revendiquent aujourd’hui la présidence de la République, la majorité parlementaire et l’intégralité du pouvoir politique.

En Tunisie, et après avoir officiellement renoncé à inclure la chari’a dans la constitution, ils organisent dans les provinces et les villes de moyenne importance, loin de l’attention des médias occidentaux, des comités de vigilance religieux pour faire appliquer des règlements inspirés de la chari’a. Ce mouvement gagne progressivement les villes de plus grande importance et même les capitales où se multiplient les mesures d’interdiction en tous genres, la censure des spectacles et de la presse, la mise sous le boisseau des libertés fondamentales et, bien sûr, des droits des femmes et des minorités non sunnites.
Et ces forces politiques réactionnaires n’ont rien à craindre des prochaines échéances électorales. Largement financées par l’Arabie et le Qatar pour lesquels elles constituent un gage de soumission dans le monde arabe, elles ont tous les moyens d’acheter les consciences et de se constituer la clientèle qui perpétuera leur domination face à un paysage politique démocratique morcelé, sans moyens, dont il sera facile de dénoncer l’inspiration étrangère et donc impie.

La Libye et le Yémen ont sombré dans la confusion. Après que les forces de l’OTAN, outrepassant largement le mandat qui leur avait été confié par l’ONU, ont détruit le régime du peu recommandable Colonel Kadhafi, le pays se retrouve livré aux appétits de bandes et tribus rivales bien décidées à défendre par les armes leur pré carré local et leur accès à la rente. L’éphémère « Conseil National de transition » porté aux nues par l’ineffable Bernard Henri Lévy est en train de se dissoudre sous les coups de boutoir de chefs de gangs islamistes, dont plusieurs anciens adeptes d’Al-Qaïda, soutenus et financés par le Qatar qui entend bien avoir son mot à dire dans tout règlement de la question et prendre sa part dans l’exploitation des ressources du pays en hydrocarbures.

Au Yémen, le départ sans gloire du Président Ali Abdallah Saleh rouvre la porte aux forces centrifuges qui n’ont pas cessé d’agiter ce pays dont l’unité proclamée en 1990 entre le nord et le sud n’a jamais été bien digérée, surtout par l’Arabie Séoudite qui s’inquiétait des foucades de ce turbulent voisin et n’a eu de cesse d’y alimenter la subversion fondamentaliste. Aujourd’hui, les chefs de tribus sunnites du sud et de l’est du pays, dont certains se réclament d’Al-Qaïda et tous du salafisme, entretiennent un désordre sans fin aux portes de la capitale, Sana’a, fief d’une classe politique traditionnelle zaydite – branche dissidente du chi’isme – insupportable pour la légitimité de la famille séoudienne.

Seul le régime syrien résiste à ce mouvement généralisé d’islamisation au prix d’une incompréhension généralisée et de l’opprobre internationale.

Avant de développer ce sujet, je crois devoir faire une mise au point puisque d’aucuns croient déceler dans mes propos et prises de positions des relents d’extrême droite et de complaisance pour les dictatures.
Je me rends régulièrement en Syrie depuis 1966 et y ai résidé pendant plusieurs années. Je ne prétends pas connaître intimement ce pays mais je pense quand même mieux le connaître que certains de ces journalistes qui en reviennent pleins de certitudes après un voyage de trois ou quatre jours.

Mes activités m’ont amené à devoir fréquenter à divers titres les responsables des services de sécurité civils et militaires syriens depuis la fin des années 70. J’ai pu constater qu’ils ne font ni dans la dentelle ni dans la poésie et se comportent avec une absolue sauvagerie. Ce n’est pas qu’ils ont une conception différente des droits de l’homme de la nôtre. C’est qu’ils n’ont aucune conception des droits de l’homme…

Leur histoire explique en grande partie cette absence. D’abord, ils puisent leur manière d’être dans quatre siècle d’occupation par les Turcs ottomans, grands experts du pal, de l’écorchage vif et du découpage raffiné. Ensuite, ils ont été créés sous la houlette des troupes coloniales françaises pendant le mandat de 1920 à 1943, et, dès l’indépendance du pays, conseillés techniquement par d’anciens nazis réfugiés, de 1945 jusqu’au milieu des années 50, et ensuite par des experts du KGB jusqu’en 1990. Tout ceci n’a guère contribué à développer chez eux le sens de la douceur, de la tolérance et du respect humain.

Quant au régime syrien lui-même, il ne fait aucun doute dans mon esprit que c’est un régime autoritaire, brutal et fermé. Mais le régime syrien n’est pas la dictature d’un homme seul, ni même d’une famille, comme l’étaient les régimes tunisien, égyptien, libyen ou irakien. Tout comme son père, Bashar el-Assad n’est que la partie visible d’un iceberg communautaire complexe et son éventuel départ ne changerait strictement rien à la réalité des rapports de pouvoir et de force dans le pays. Il y a derrière lui 2 millions d’Alaouites encore plus résolus que lui à se battre pour leur survie et plusieurs millions de minoritaires qui ont tout à perdre d’une mainmise islamiste sur le pouvoir, seule évolution politique que l’Occident semble encourager et promouvoir dans la région.

Quand je suis allé pour la première fois en Syrie en 1966, le pays était encore politiquement dominé par sa majorité musulmane sunnite qui en détenait tous les leviers économiques et sociaux. Et les bourgeois sunnites achetaient encore – parfois par contrat notarié – des jeunes gens et de jeunes filles de la communauté alaouite dont ils faisaient de véritables esclaves à vie, manouvriers agricoles ou du bâtiment pour les garçons, bonnes à tout faire pour les filles.

Les Alaouites sont une communauté sociale et religieuse persécutée depuis plus de mille ans. Je vous en donne ici une description rapide et schématique qui ferait sans doute hurler les experts mais le temps nous manque pour en faire un exposé exhaustif.

Issus au Xè siècle aux frontières de l’empire arabe et de l’empire byzantin d’une lointaine scission du chiisme, ils pratiquent une sorte de syncrétisme mystique compliqué entre des éléments du chiisme, des éléments de panthéisme hellénistique, de mazdéisme persan et de christianisme byzantin. Ils se désignent eux mêmes sous le nom d’Alaouites – c’est à dire de partisans d’Ali, le gendre du prophète – quand ils veulent qu’on les prenne pour des Musulmans et sous le nom de Nosaïris – du nom de Ibn Nosaïr, le mystique chiite qui a fondé leur courant – quand ils veulent se distinguer des Musulmans. Et – de fait – ils sont aussi éloignés de l’Islam que peuvent l’être les chamanistes de Sibérie.

Et cela ne leur a pas porté bonheur…. Pour toutes les religions monothéistes révélées, il n’y a pas pire crime que l’apostasie. Les Alaouites sont considérés par l’Islam sunnite comme les pires des apostats. Cela leur a valu au XIVè siècle une fatwa du jurisconsulte salafiste Ibn Taymiyya, l’ancêtre du wahhabisme actuel, prescrivant leur persécution systématique et leur génocide. Bien que Ibn Taymiyyah soit considéré comme un exégète non autorisé, sa fatwa n’a jamais été remise en cause et est toujours d’actualité, notamment chez les salafistes, les wahhabites et les Frères musulmans. Pourchassés et persécutés, les Alaouites ont dû se réfugier dans les montagnes côtières arides entre le Liban et l’actuelle Turquie tout en donnant à leurs croyances un côté hermétique et ésotérique, s’autorisant la dissimulation et le mensonge pour échapper à leur tortionnaires.

Il leur a fallu attendre le milieu du XXè siècle pour prendre leur revanche. Soumis aux occupations militaires étrangères depuis des siècles, les bourgeois musulmans sunnites de Syrie ont commis l’erreur classique des parvenus lors de l’indépendance de leur pays en 1943. Considérant que le métier des armes était peu rémunérateur et que l’institution militaire n’était qu’un médiocre instrument de promotion sociale, ils n’ont pas voulu y envoyer leurs fils. Résultat : ils ont laissé l’encadrement de l’armée de leur tout jeune pays aux pauvres, c’est à dire les minorités : Chrétiens, Ismaéliens, Druzes, Chiites et surtout Alaouites. Et quand vous donnez le contrôle des armes aux pauvres et aux persécutés, vous prenez le risque à peu près certain qu’ils s’en servent pour voler les riches et se venger d’eux. C’est bien ce qui s’est produit en Syrie à partir des années 60.

Dans les années 70, Hafez el-Assad, issu d’une des plus modestes familles de la communauté alaouite, devenu chef de l’armée de l’air puis ministre de la défense, s’est emparé du pouvoir par la force pour assurer la revanche et la protection de la minorité à laquelle sa famille appartient et des minorités alliées – Chrétiens et Druzes – qui l’ont assisté dans sa marche au pouvoir. Ils s’est ensuite employé méthodiquement à assurer à ces minorités – et en particulier à la sienne – le contrôle de tous les leviers politiques, économiques et sociaux du pays selon des moyens et méthodes autoritaires dont vous pourrez trouver la description détaillée dans un article paru il y maintenant près de vingt ans.

Face à la montée du fondamentalisme qui progresse à la faveur de tous les bouleversements actuels du monde arabe, son successeur se retrouve comme les Juifs en Israël, le dos à la mer avec le seul choix de vaincre ou mourir. Les Alaouites ont été rejoints dans leur résistance par les autres minorités religieuses de Syrie, Druzes, Chi’ites, Ismaéliens et surtout par les Chrétiens de toutes obédiences instruits du sort de leurs frères d’Irak et des Coptes d’Égypte.

Car, contrairement à la litanie que colportent les bien-pensants qui affirment que « si l’on n’intervient pas en Syrie, le pays sombrera dans la guerre civile »…. eh bien non, le pays ne sombrera pas dans la guerre civile. La guerre civile, le pays est dedans depuis 1980 quand un commando de Frères musulmans s’est introduit dans l’école des cadets de l’armée de terre d’Alep, a soigneusement fait le tri des élèves officiers sunnites et des alaouites et a massacré 80 cadets alaouites au couteau et au fusil d’assaut en application de la fatwa d’Ibn Taymiyya. Les Frères l’ont payé cher en 1982 à Hama – fief de la confrérie – que l’oncle de l’actuel président a méthodiquement rasée en y faisant entre 10 et 20.000 morts. Mais les violences intercommunautaires n’ont jamais cessé depuis, même si le régime a tout fait pour les dissimuler.

Alors, proposer aux Alaouites et aux autres minorités non arabes ou non sunnites de Syrie d’accepter des réformes qui amèneraient les islamistes salafistes au pouvoir revient très exactement à proposer aux Afro-américains de revenir au statu quo antérieur à la guerre de sécession. Ils se battront, et avec sauvagerie, contre une telle perspective.

Peu habitué à la communication, le régime syrien en a laissé le monopole à l’opposition. Mais pas à n’importe quelle opposition. Car il existe en Syrie d’authentiques démocrates libéraux ouverts sur le monde, qui s’accommodent mal de l’autoritarisme du régime et qui espéraient de Bashar el-Assad une ouverture politique. Ils n’ont obtenu de lui que des espaces de liberté économique en échange d’un renoncement à des revendications de réformes libérales parfaitement justifiées. Mais ceux-là, sont trop dispersés, sans moyens et sans soutiens. Ils n’ont pas la parole et sont considérés comme inaudibles par les médias occidentaux car, en majorité, ils ne sont pas de ceux qui réclament le lynchage médiatisé du « dictateur » comme cela a été fait en Libye.

Si vous vous vous informez sur la Syrie par les médias écrits et audiovisuels, en particulier en France, vous n’aurez pas manqué de constater que toutes les informations concernant la situation sont sourcées « Observatoire syrien des droits de l’homme » (OSDH) ou plus laconiquement « ONG », ce qui revient au même, l’ONG en question étant toujours l’Observatoire syrien des droits de l’homme.

L’observatoire syrien des droits de l’homme, c’est une dénomination qui sonne bien aux oreilles occidentales dont il est devenu la source d’information privilégiée voire unique. Il n’a pourtant rien à voir avec la respectable Ligue internationale des droits de l’homme. C’est en fait une émanation de l’Association des Frères musulmans et il est dirigé par des militants islamistes dont certains ont été autrefois condamnés pour activisme violent, en particulier son fondateur et premier Président, Monsieur Ryadh el-Maleh. L’Osdh s’est installé à la fin des années 80 à Londres sous la houlette bienveillante des services anglo-saxons et fonctionne en quasi-totalité sur fonds séoudiens et maintenant qataris.

Je ne prétends nullement que les informations émanant de l’OSDH soient fausses, mais, compte tenu de la genèse et de l’orientation partisane de cet organisme, je suis tout de même surpris que les médias occidentaux et en particulier français l’utilisent comme source unique sans jamais chercher à recouper ce qui en émane.

Second favori des médias et des politiques occidentaux, le Conseil National Syrien, créé en 2011 à Istanbul sur le modèle du CNT libyen et à l’initiative non de l’État turc mais du parti islamiste AKP. Censé fédérer toutes les forces d’opposition au régime, le CNS a rapidement annoncé la couleur. Au sens propre du terme…. Le drapeau national syrien est composé de trois bandes horizontales. L’une de couleur noire qui était la couleur de la dynastie des Abbassides qui a régné sur le monde arabe du 9è au 13è siècle. L’autre de couleur blanche pour rappeler la dynastie des Omeyyades qui a régné au 7è et 8è siècle. Enfin, la troisième, de couleur rouge, censée représenter les aspirations socialisantes du régime. Dès sa création, le CNS a remplacé la bande rouge par la bande verte de l’islamisme comme vous pouvez le constater lors des manifestations anti-régime où l’on entend plutôt hurler « Allahou akbar ! » que des slogans démocratiques.

Cela dit, la place prédominante faite aux Frères musulmans au sein du CNS par l’AKP turc et le Département d’État américain a fini par exaspérer à peu près tout le monde. La Syrie n’est pas la Libye et les minorités qui représentent un bon quart de la population entendent avoir leur mot à dire, même au sein de l’opposition. Lors d’une visite d’une délégation d’opposants kurdes syriens à Washington en avril dernier, les choses se sont très mal passées. Les Kurdes sont musulmans sunnites mais pas Arabes. Et en tant que non-arabes, ils sont voués à un statut d’infériorité par les Frères. Venus se plaindre auprès du Département d’État de leur marginalisation au sein du CNS, ils se sont entendus répondre qu’ils devaient se soumettre à l’autorité des Frères ou se débrouiller tout seuls. Rentrés à Istanbul très fâchés, ils se sont joints à d’autres opposants minoritaires pour démettre le président du CNS, Bourhan Ghalioun, totalement inféodé aux Frères, et le remplacer par un Kurde, Abdelbassett Saïda qui fera ce qu’il pourra – c’est à dire pas grand chose – pour ne perdre ni l’hospitalité des islamistes turcs, ni l’appui politique des néo-conservateurs Américains, ni, surtout, l’appui financier des Séoudiens et des Qataris.
Tout cela fait désordre, bien sûr, mais est surtout révélateur de l’orientation que les États islamistes appuyés par les néo-conservateurs américains entendent donner aux mouvements de contestation dans le monde arabe.

Ce ne sont évidemment pas ces constatations qui vont rassurer les minorités de Syrie et les inciter à la conciliation ou à la retenue. Les minorités de Syrie – en particulier, les Alaouites qui sont en possession des appareils de contrainte de l’État – sont des minorités inquiètes pour leur survie qu’elles défendront par la violence. Faire sortir le président syrien du jeu peut à la rigueur avoir une portée symbolique mais ne changera rien au problème. Ce n’est pas lui qui est visé, ce n’est pas lui qui est en cause, c’est l’ensemble de sa communauté qui se montrera encore plus violente et agressive si elle perd ses repères et ses chefs. Plus le temps passe, plus la communauté internationale entendra exercer des pressions sur les minorités menacées, plus les choses empireront sur le modèle de la guerre civile libanaise qui a ensanglanté ce pays de 1975 à 1990.

Il aurait peut être été possible à la communauté internationale de changer la donne il y a un an en exigeant du pouvoir syrien des réformes libérales en échange d’une protection internationale assurée aux minorités menacées. Et puisque l’Arabie et la Qatar – deux monarchies théocratiques se réclamant du wahhabisme – sont théoriquement nos amies et nos alliées, nous aurions pu leur demander de déclarer la fatwa d’Ibn Taymiyyah obsolète, nulle et non avenue afin de calmer le jeu. Il n’en a rien été. À ces minorités syriennes menacées, l’Occident, France en tête, n’a opposé que la condamnation sans appel et l’anathème parfois hystérique tout en provoquant partout – politiquement et parfois militairement – l’accession des intégristes islamistes au pouvoir et la suprématie des États théocratiques soutenant le salafisme politique.

Débarrassés des ténors sans doute peu vertueux du nationalisme arabe, de Saddam Hussein, de Ben Ali, de Moubarak, de Kadhafi, à l’abri des critiques de l’Irak, de l’Algérie et de la Syrie englués dans leurs conflits internes, les théocraties pétrolières n’ont eu aucun mal à prendre avec leurs pétrodollars le contrôle de la Ligue Arabe et d’en faire un instrument de pression sur la communauté internationale et l’ONU en faveur des mouvements politiques fondamentalistes qui confortent leur légitimité et les mettent à l’abri de toute forme de contestation démocratique.

Que les monarchies réactionnaires défendent leurs intérêts et que les forces politiques fondamentalistes cherchent à s’emparer d’un pouvoir qu’elles guignent depuis près d’un siècle n’a rien de particulièrement surprenant. Plus étrange apparaît en revanche l’empressement des Occidentaux à favoriser partout les entreprises intégristes encore moins démocratiques que les dictatures auxquelles elles se substituent et à vouer aux gémonies ceux qui leur résistent.

Prompt à condamner l’islamisme chez lui, l’Occident se retrouve à en encourager les manœuvres dans le monde arabe et musulman. La France, qui n’a pas hésité à engager toute sa force militaire pour éliminer Kadhafi au profit des djihadistes et à appeler la communauté internationale à en faire autant avec Bashar el-Assad, assiste, l’arme au pied, au dépeçage du Mali par des hordes criminelles qui se disent islamistes parce que leurs rivaux politiques ne le sont pas.

De même les médias et les politiques occidentaux ont assisté sans broncher à la répression sanglante par les chars séoudiens et émiratis des contestataires du Bahraïn, pays à majorité chiite gouverné par un autocrate réactionnaire sunnite. De même les massacres répétés de Chrétiens nigérians par les milices du Boko Haram ne suscitent guère l’intérêt des médias et encore moins la condamnation par nos politiques. Quant à l’enlèvement et la séquestration durable de quatre membres de la Cour Pénale Internationale par des « révolutionnaires » libyens, elle est traitée en mode mineur et passe à peu près inaperçue dans nos médias dont on imagine l’indignation explosive si cet enlèvement avait été le fait des autorités syriennes, algériennes ou de tel autre pays non encore « rentré dans le rang » des « démocratures », ces dictatures islamistes sorties des urnes.

À défaut de logique, la morale et la raison nous invitent tout de même à nous interroger sur cette curieuse schizophrénie de nos politiques et nos médias. L’avenir dira si notre fascination infantile pour le néo-populisme véhiculé par Internet et si les investissements massifs du Qatar et de l’Arabie dans nos économies en crise valaient notre complaisance face à la montée d’une barbarie dont nous aurions tort de croire que nous sommes à l’abri.

Alain Chouet, le 10 août 2012 

Alain Chouet est un ancien officier de renseignement français.
Il a été chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE de 2000 à 2002.
Alain Chouet est l'auteur de plusieurs ouvrages sur l’islam et le terrorisme. Son dernier livre, "Au coeur des services spéciaux : La menace islamiste : Fausses pistes et vrais dangers", est paru chez La Decouverte en 2011.